Texte

Edmond Amran El Maleh

Talisman

Mohamed Mourabiti. C’est l’homme d’al Maqam. Cela dit beaucoup de choses, vu mes indiscrétions récentes étalées dans une excellente revue. Mourabiti peint sans clameur, sans tapage. Une passion discrète, son jardin secret, dérobé à l’œil assassin. On chuchote comme s’il s’agissait d’une maladie honteuse et on se réjouirait qu’il s’en soit tiré à bon compte ; «Parabolite», c’est le nom de cette infection infiniment plus grave que la grippe aviaire. Voire ! Et si on serait passé à côté. Patience. Science. Voyons la chose de plus près. Qui dit parabole, dit quoi ? Au risque de paraître insupportablement pédant. Parabole, c’est d’abord une figure de géométrie, d’où le «topsil» divin « parabole »

à l’assaut du ciel, réglant votre destin à chaque seconde de la vie, offrant, sur un plateau royal, l’univers en ses moindres mouvements. Du fond de Tahanaout, vous pouvez assister, avec compassion, à l’agonie d’un moustique dans les rues de Tokyo. Alors pourquoi, je vous le demande, au nom de quoi on s’interdirait d’un coup de pinceau, une poignée de pigment, de tenter de fixer les traces du mystère ? Le petit Robert livre une autre clé : parabole,

« récit allégorique des livres saints sous lequel se cache un enseignement ».

Je vous avez prévenu. Tassawof ! Dans l’air flotte une impalpable poussière singulièrement fécondatrice, une fois qu’Al Maqam s’est retiré du monde. Suite de quoi, j’aurais été tenté de faire le portrait de notre cher Mourabiti à la recherche d’une auréole qui vous laisse sur votre faim. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, ce serait donc, ce faisant, assassiner un innocent, style Sartre écrasant Jean Genet devenu un saint à la faveur d’un énorme pavé, Jean genet en fut châtré pour ainsi dire, réduit au silence. Cela voudrait dire tuer dans l’œuf ce désir, les incertitudes, les hésitations que tu vis maintenant, alors que déjà beaucoup de travail de qualité a été réalisé. Trois dernières toiles qui habitent chez moi s’animent et vivent dans la familiarité d’un plaisir assagi, sans compter qu’elles sont remarquées par d’autres amis. Doucement. Imaginons le scénario suivant. Sur invitation à venir voir les travaux, un docte critique d’art dûment patenté arrive, attendu comme le Messie ou presque. Commentaire général sur l’art, message, spiritualité, métaphysique et tutti quanti. Il sait de quoi il parle, gravement, doctrinal, plein de conviction. L’air de rien, le sourire miraculeux, il prodigue la bonne parole, loue le talent prometteur, recommandations d’usages, une diarrhée de jargon, gestuelle et autre, comment il faut peindre, sourire d’adieu en trompe l’œil, il promet d’écrire, « Aoullah », demain Inchallah à la une du grand quotidien, le papier prophétique. No comment. Encore une considération pour l’instant. Je voudrais parler d’Antoni Tapies dont on sait bien qu’il présente la référence cardiale, révolutionnant tant par ses écrits la perception de la peinture, des arts plastiques à l’époque contemporaine. Méditation sur le mur est à cet égard le texte fondateur. Ce qui sollicite notre attention au plus haut degré c’est que Tapies, intégrant en son œuvre les enseignements et l’âme même du Bouddhisme et autres sources de spiritualité hindoue, a permis de nous libérer du monopole écrasant de l’Occident en la matière. Tapies, au cours d’un entretien très animé, révélateur en bien des aspects, confie, qu’en entrant dans son atelier, il oublie toute théorie et même il ne sait encore ce qu’il va entreprendre. C’est pour moi l’absolu de la peinture.

La peinture chez nous, après avoir connu une période faste, est confrontée maintenant au désordre, à la confusion, à la perte de toute perspective. Le conformisme, la peinture politiquement correcte par rapport à certains modèles conventionnels, le manque d’audace, tout cela menace l’avenir de la création artistique, au détriment des feux de l’imagination créatrice, de la poésie, de la légèreté ludique.

Edmond Amran El Maleh

The Talisman

Mohamed Mourabiti is this man of Al Maqam. That may say a lot, given my recent recklessness published in a brilliant magazine. Mourabiti has always painted without fuss, nor trumpet blast. He has a judicious passion, and secret garden, hidden from the killer eye. We would be whispering as if it were about a shameful disease. We would welcome being pulled out of “the dish syndrome” which is the actual name of this noticeable disease that is worse than bird flu disease. Still! What if we have this disease? Well, just patience. Let’s see the thing more closely. What does satellite dish exactly mean? This could be at the risk of sounding insufferably fussy. After all, a satellite dish is primarily a geometric figure, hence the „Topsil“ or divine „dish“ to conquer the sky, setting your destiny every second of life, offering, the universe, on a royal plateau in its every movement. From deep Tahennaout, you can attend, with compassion, the bereavement of a mosquito in the streets of Tokyo. So may I ask you why, in the name of what we would miss a stroke, a handful of pigment, try to fix the footsteps of mystery?

The dictionary “Petit Robert” defines: “parable“ as an allegorical story of the holy books under which lies a teaching.“

I had warned you. Tassawof! In air floats impalpable dust singularly fertilizing once Al Maqam has withdrawn from the world. Following this, I would have been tempted to do the portrait of our dear Mourabiti looking for a glory that leaves you hungry for more. But hell is paved with good intentions, it would be in doing so, kill an innocent, the way Sartre would crash Jean Genet then becomes a saint in favor of a huge pad, Jean Genet was in chastise and then silenced. That would mean a nip in the bud of this desire, uncertainty, hesitation you‘re experiencing now, as already much quality work has been done. The three last paintings that subsist in my house come animated and live in the familiarity of a chastened pleasure, not to mention that they are noticed by other friends. Let’s imagine the following scenario. Pursuant to an invitation to come see the work, a learned critic duly licensed in art. He is expected as the Messiah or almost.  He would then move to the ggeneral comments on art, to message, spirituality, metaphysics and all the rest. He knows what he‘s talking about. He’s full of conviction. Nonchalantly, but a phenomenal smile, he lavishes the gospel, praises the promising talent, and comes up with recommendations; in brief, a diarrhea of jargon, gestures and other properly fake smiles. He promises he would write, “Aoullah” (In the name of God) tomorrow Inshallah (If God willing). He would report in a major newspaper the prophetic article. Then, there is no comment. I want to talk to Antoni Tapies known for his highly praised works and his cardinal reference, transfiguring both his writings perception of painting, visual arts during contemporary era.

Meditation on the wall is in this respect the founding text. It requires our attention to the most. The venture is that Tapies includes the teachings and soul of Buddhism the same as other sources of Hindu spirituality in his work. This inventiveness helped free us from the overwhelming monopoly of the West in this area. In a lively interview, Tapies says that once he gets into his studio, he forgets all theory and he doesn’t even know yet what would be his next enterprise. This is painting at its absolute level.

Here, painting, and right after experiencing a real bang, is now facing a real disorder, confusion, and the loss of any prospect. Conventional, and politically correct, painting is compared to some conventional models, lack of boldness; all this threatens the future of artistic creation, at the expense of creative imagination, poetry, the entertaining light side of.

Edmond Amran El Maleh