Texte
2007
Moulim El Aroussi
Voici un peintre au parcours très insolite. Il est rare de trouver, aujourd’hui au Maroc, un peintre de l’âge de
Mohammed Mourabiti qui ne soit pas passé par les études artistiques ; le temps des autodidactes nous semble actuellement révolu. On croyait que cela faisait partie des époques passées où la société marocaine n’arrivait pas encore à se représenter l’image du peintre ; or les artistes et les peintres plus particulièrement remplissent, de nos jours, les écrans des médias.
Mais il paraît que Mourabiti était, depuis son jeune âge prédestiné à l’art ; car depuis toujours il adorait bricoler. A la fin du collège, il essaya de s’orienter vers les arts pastiques contre l’avis de ses parents qui auraient aimé le voir se diriger vers une branche scientifique. La volonté parentale finit par l’emporter. Il prépara un diplôme en électronique. Après cela, ce fut la rupture avec la famille. Il a trouvé un petit boulot pour payer des cours de dessin et de peinture. Le jour où il a montré son travail aux artistes et aux critiques, il a senti le poids de la responsabilité artistique, selon ses déclarations.
Son travail est pure réminiscence. C’est le retour de toute son enfance à Marrakech : les rues étroites, la perspective des murs, le jeu de l’ombre et de la lumière. A cela s’est ajoutée aujourd’hui sa relation à la terre et à la nature. Il vit au pied de la montagne, à Tahanaout. Là, devant l’immensité de la Terre, l’environnement est devenu une composante plastique essentielle de sa peinture.
Mais bien auparavant, Mourabiti était attentif à l’enviro-nnement. A Casablanca, où il vécut une partie de sa jeunesse et à Marrakech où il est retourné au début de sa carrière artistique, le paysage urbain l’interpellait avec force. Outre l’architecture, la texture des murs, l’ambiance des quartiers… son œil sensible balayait les terrasses des maisons et emmagasinait les images des paraboles plantées telles des créatures venues d’une autre planète. Ces silhouettes ont commencé par hanter ses toiles avant de devenir un véritable module plastique.
En fait, les paraboles dressées, telles des girouettes, dans des champs de blé, rythmaient la cadence visuelle de l’artiste et s’infiltraient pour devenir un jour le leitmotiv récurent de sa gestuelle intime. Elles commencent par faire leur apparition à l’état anecdotique puis elles se sont purifiées, stylisées, avant de s’abstraire pour ne demeurer que trace rappelant le trait d’un événement qui fut un jour.
Cette abstraction de la forme parabolique (dans tous les sens de l’image), s’accompagna d’une introduction de la terre. En fait Mourabiti travaillait à partir d’un référent terrestre, celui du rappel du mur de la ville du Sud, en l’occurrence le pisé ; mais la terre à laquelle je fais ici allusion, relève de Physis au sens grec. L’artiste vit au sein de la terre, il la hume, il la pratique, il la pétrit et la construit. On dirait que, à la manière des alchimistes, il cherche un paradoxe combien délicieux en art, et nulle part ailleurs : s’enfoncer dans la terre et interroger la technologie.
Moulim El Aroussi
Here we have a painter with a very unusual track. It is unusual to find today in Morocco, a painter of Mohammed Mourabiti’s age who has not undergone art studies. The era of self taught artists is gone. We thought it was part of past eras during which Moroccan society would not represent the image of the artist. Now artists and painters specifically are filling the screens of our Medias.
Nevertheless, it seems that Mourabiti was predestined to art since his young age; for he always loved crafting. Right after high school, he tried to move towards visual arts against his parents’ wishes who would have liked to see him dedicated to sciences. This parental determination eventually prevailed. Mourabiti was bound to prepare a degree in electronics. Subsequently, there was a rupture with the family. He found a part-time job, a way of paying for his classes through drawing and painting. The day he showed his work to artists and critics, he felt the weight of artistic responsibility, according to Mourabiti.
His work is pure recollection. It‘s looking back to his early days in Marrakech: throughout the narrow streets, within the prospect of the walls, and under the alternation of shadow and light. Mourabiti’s current relationship with the land and nature is to be reckoned with. He lives at Tahanaout right at the foot of the mountain. He took sanctuary before the sheer size of the Earth; thus, the surroundings have become an essential component of the brilliant paintings.
Mourabiti’s real awareness about the environment is not a recent issue. This goes back to his days in Casablanca, where he spent part of his youth, and in Marrakech, when he returned at the beginning of his artistic career, the urban landscape beckoned with force. In addition to architecture, the texture of the walls, the atmosphere of the neighbourhoods ... his sensitive eye swept the terraces of houses while storing up images of satellite dishes looking just like creatures from another planet. These features have started to haunt his paintings before becoming a real artefact module.
Indeed, these satellite dishes are raised like weathercocks throughout wheat fields, punctuating the artist’s visual pace and sneaking subtly into his subconscious, without his knowledge. Nobody ever doubted they would one day become the recurring leitmotif of his intimate gestures. These creatures have first made their appearance as anecdotes only to turn to a factual truth, stylized, before abstracting to linger barely as traces recalling the line of an event that once was.
This abstraction to the spherical shape (in every sense of the image), was accompanied by an introduction of the earth. Mourabiti actually worked from a ground reference. He recalls the wall of the southern city, in this case the mud; but the land I am referring to, stems from Physis in the Greek sense. The artist lives in the earth, he sniffs it, does practice it; he doesn’t only knead it but gets to construct it as well. Just like alchemists, Mourabiti tries to detect the undisclosed. This passion of the land is reflected in his paintings. This luscious paradox within art is nowhere else. It is a special dilemma enticing earth to query technology.
Moulim El Aroussi