Texte
Salima Naji
Ancré dans un territoire qu’il domine, MOURABITI nous parle toujours du lointain. Sa peinture nous transporte loin, par petites touches. Réminiscences. Quelques notes semblent jetées sur le papier, un son mélodieux en arrière-plan, évocations. Des morceaux de papier peuvent être découverts, sous un glacis blanc, des flèches, des cercles, de petits bouts de cartes de ville sont parfois marouflées sur les toiles et sont retravaillés.
Il ne s’agit pas de véritables cartes à la manière d’un Alechinsky bravant un nouvel espace, mais de flyers, des coupures de journaux ou de magazines, à partir desquels ont été repérés des places et des boulevards rattachés à des zones de couleurs. Des traits biffent ou au contraire relient ces espaces cartographiés. Des cartes qui se chevauchent, hâtivement marouflées sur la toile et qui parlent de voyages, d’allers et retours, d’échanges rapides, comme des coups de pinceau, jetés brusquement sur un support. Des cartes, petits morceaux du monde proche, défilent à côté de Marrakech, Paris, Londres, Dubaï ou Sao Paulo, en lambeaux posés comme des éclats de mémoire, comme des objets, quelques papiers découpés qui continuaient à dire, ce qui a été, fugacement. Enfermés sur des supports carrés de petite taille. Comme des haltes. Arrêts en des lieux précis, mais toujours en relations les uns aux autres. Carnets parisiens. La série évoquait un nouveau départ, dominé par le doute. Une voie pourtant se dessinait, nouvelle. D’un dessin à l’autre, les indications fugaces nous donnaient à saisir ces éclats de pensée, dans des espaces neufs. Par les dessins, le peintre nous prépare à la plongée dans l’océan d’une toile plus grande, où il viendra poursuivre sa pérégrination dans une pensée éminemment picturale.
Les expositions de Mohamed sont toujours aussi des sortes de déroulés d’un temps de la méditation sur des toiles soudain renversées, elles semblent passer du sol au mur, du mur au ciel. Elles changent de dimension, se déploient dans l’espace, les unes en résonance avec les autres. Les dessins, très fouillés, répondent aux toiles aériennes et divulguent d’autres éléments non-directement préhensibles. Mais elles forment un ensemble difficilement sectionnable. Dans la série Sur les traces d’Ibn Arabî, la virtuosité du peintre est évidente. Les liens physiques établis entre les lieux représentés dans les toiles précédentes s’éclipsent par moments pour sublimer des ciels. Une figure sombre, parallélépipédique flotte, inaccessible, mais centrale, insistante. Elle semble incarner le tombeau du grand mystique que MOURABITIest avait visité lors d’un voyage à Damas qui l’a ébranlé. Il a retrouvé au fond de sa mémoire, d’autres tombeaux, d’autres généalogies, et ce, dans sa propre famille. Il a lancé encore un harpon vers le Sud, vers le tombeau de l’aïeul.
La masse noire – ici le tombeau – est une sorte de fil spirituel, nous reliant dans le temps au grand saint : Edmond AMRAN EL MALEH,se demandait ainsi si ce n’était pour le peintre, l’énième tentative d’«édifier un tombeau idéal, virtuel, dont toutes ses toiles constitu[eraient] la tentative recommencée » ? N’est-ce pas là une tentative d’atteindre, de se rapprocher, de l’édifice le plus sacré de l’islam : celui vers lesquels tous convergent au moment des prières quotidiennes et pour le pèlerinage d’une vie, celui autour duquel se font en conséquence les circumbulations les plus hautes, ce centre spirituel qu’incarne la Kaaba pour tout Musulman ? Ne doit pas y reconnaître en effet un appel pour atteindre, entrer en communication avec le cœur de l’Islam, pour intercéder directement auprès du Divin ? Cette tentation émergeait subrepticement des toiles premières, désormais, elle est là.
Dans les premières œuvres, la question de la communication était centrale : les réseaux paraboliques des toits des maisons étaient rivés aux chaînes étrangères, Est ou Ouest, selon son habitus social. Un rapport au religieux aussi était posé en filigrane : comment entre-t-on aujourd’hui en communication avec l’au-delà ? Le tombeau était un relais matérialisant l’intercession avec Dieu ; la Kaaba, elle, semble se substituer au tombeau en une invitation au départ. Le pèlerinage est ce voyage ultime que le croyant doit faire. Le vol direct supprime la pérégrination et la quête spirituelle attachée au pèlerinage de lieux en lieux, où le pèlerin se prend en charge, où il fait des rencontres, humaines, hautement spirituelles, où il trouve des lieux neufs permettant des haltes vers l’illumination de Dieu.
Aujourd’hui nous ne sommes plus que dans des flux qui rapprochent en un instant les distances ; la route terrestre et la route de la mer, relevaient du parcours initiatique. C’était un parcours de la vérité qui rappelle le parcours de notre peintre. Les maqamat-s, ces stations spirituelles que le peintre nous incite à faire d’exposition en exposition, nous invitent à une lecture spirituelle avant tout d’ordre universel. La quête de soi – pas seulement religieuse, surtout pas enfermé dans un culte – est une soif de transcendance que nous retrouvons dans l’art. Tous les voyages que MOURABITI a accompli, l’ont fait revenir au point de départ dans un lien inéluctable à la Kaaba, tombeau des tombeaux. Toutes ses pérégrinations lui ont permis la construction de son identité par une confrontation constante aux lieux et aux êtres, parce qu’il possédait son propre viatique , celui à reconstruire sans cesse.
Dans Le livre du dévoilement des effets du voyage, Ibn Arabi s’entretient du « voyage de la vision à travers les signes divins et leur transposition symbolique des signes cachés ». Dans ce texte, il est question des signes invisibles et du pouvoir de concentration que provoque la nuit, mais il est aussi question de lumière, de perception et de corps. Tous ces éléments qui sont éminemment à l’œuvre dans le travail de MOURABITI. Le Shaykh al-Akbâr est obsédé par l’Ascension, le Miraj du Prophète. Car même s’il est fait référence au Voyage des voyages en Islam, le Voyage Nocturne du Prophète Mohamed et de tout ce que cela implique, Ibn Arabi déchiffre aussi le mouvement de la pensée qui occupe tous ceux qui vont d’un lieu à un autre, pays, ville, quartier, tous ceux qui passent d’une sphère à une autre, d’un monde social à un autre, d’un imaginaire à un autre, d’un univers à un autre : le quotidien de ce pays où la pratique des écarts est coutumière, et où la plus haute abstraction côtoie souvent la plus grande trivialité.
Une génération soudain, est au Maghreb, enfermée dans les limites de ses frontières. Elle peut tout voir – ou plutôt imaginer – par l’entremise de la parabole cathodique, mais elle ne peut plus se déplacer physiquement en Europe, elle reste coincée dans ses frontières. Pour se rendre à la Mecque, le grand voyage que beaucoup faisaient aussi jadis, traversant des pays et des cultures avec pour seul bagage, une langue apprise par le verbe coranique, sorte de voyage initiatique qui, parce qu’il durait des années, formait l’individu.
Comme pour l’Europe, il y a des quotas, ou une quantité de frontières-barrières et de papiers nécessaires qui verrouillent l’espace. On ne prend plus le bateau pour s’y rendre. L’avion d’une traite, expédie les pèlerins dans un pèlerinage calibré et identique. Le sacré se dissout dans un religieux convenu, normé, rigide, souvent hypocrite et où la vraie dévotion peut être suspecte . L’effusion est contrôlée, circonscrite à des espaces, les pratiques sont critiquées et normalisées, arrêtées. Le pèlerinage n’est plus ce mouvement, cette pérégrination. Il est succession d’attentes pour un trajet calibré.
Le Maroc qui est un carrefour et dont l’histoire exprime les brassages culturels, les influences, les échanges, est ainsi comme bloqué. Il devient une île à laquelle on ne peut échapper. Et depuis peu, que toutes les libertés sont permises, tout est possible, mais à l’intérieur des frontières. L’ouverture que constituait l’idée de pouvoir naviguer d’un port à l’autre, d’une rive à l’autre, et qui a fait la force des anciennes générations, est soudain refusée par le jeu d’une globalisation sécuritaire. Ce pays qui a toujours résisté et créé ses propres expressions du quotidien, du religieux, du pouvoir aussi, soudain s’arrête d’inventer. Epouse des recettes. Cette fois-ci, elles ne viennent pas de la rive Nord de la Méditerranée, mais du Machrek (Moyen-Orient). On pense, on s’habille, on parle comme ses frères de l’Est : on s’oublie. On en oublie ses spécificités culturelles, on refabrique le quotidien et le passé, on camoufle ou l’on cherche à revêtir d’une nouvelle peau tout ce qui soudain dérange.
Les décennies d’après l’Indépendance singèrent l’Occident pour mieux sortir d’une condition vécue comme « arriérée ». La décennie actuelle a gardé ce sentiment d’arriération et se tourne vers un autre modèle, tout aussi moderne à ses yeux, mais plus légitime et qui ne refuse pas, comme cet Occident actuel soudain en repli. Au Maroc, comme ailleurs, on propose un modèle censé dépasser les critiques contemporaines de la foi, on gomme ce qui n’est plus conforme, on se rapproche d’une orthopraxie (A. Cheddadi) conforme à la Sunna, on ne s’identifie plus qu’à la communauté musulmane (ou oumma), on s’adapte et ce faisant, on peut s’inscrire dans la durée. Ce modèle est d’abord religieux. Un religieux frileux qui évacue le sacré.
À l’aube du XXIe siècle, le passé et l’ouverture sont ainsi balayés d’un geste, remplacés par une forme de honte. Un coffre noir de honte, un enfermement. La peinture de Mohamed MOURABITI semble nous raconter tout cela, il nous parle de dématérialisation : celle de la spiritualité d’une époque vidée de son sens. Il formalise des seuils. Entre le monde inférieur et supérieur, dont il montre les médiations permises ou suspendues. Entre le profane et le sacré, les Marocains cherchent maintenant à séparer les deux sphères qui, de toujours, étaient imbriquées dans la société.
Au contraire, dans les toiles, la grâce – celle du Divin – est très présente, légère, évanescente. Le peintre tente de la saisir, de la capter. Il la recherche dans un monde qui, brutalement change de visage. Marrakech ces dernières années s’est dépouillée de sa beauté. Des immeubles ont remplacé les jardins, les spéculateurs se sont acharnés sur la ville, partout, sur les interstices, sur ses limites sans cesses repoussées, elle étouffe. Elle implose. On l’habille de décorums impuissants à cacher la catastrophe. MOURABITI a navigué des années durant entre Casa et Marrakech, puis une fois installé dans la ville rouge, il a éprouvé le besoin de s’en éloigner, de construire un ailleurs, de lui résister. De partir encore.
La figure est une reconfiguration du monde visible, une articulation du réel au figuré. Mais, le divin ne se voit pas, Il se sent, Il se devine, Il se construit, la ligne ne peut seule Le traduire. Comment figurer en effet Ce tout qui nous dépasse ? L’interdit islamique exigeait cette humilité et a éloigné l’art des images. L’art s’est fait architecture, des faïences au plâtre, jusqu’aux bois sculptés ; la parole divine était suggérée voire reformulée ou incarnée dans des versets religieux, placés suffisamment hauts pour obliger la tête à un effort, le regard à la lecture, rappeler le Texte sacré. Souvenons-nous des cellules blanches du couvent San Marco à Florence : s’arrêter devant le pan de Fra Angelico revenait à percevoir bien des choses au-delà de la ressemblance « en deçà et au-delà de la visibilité mimétique ».
La modernité et les possibilités de l’abstraction ont permis de faire émerger des écritures du divin inaccessible.
Le Sheikh Al-Akbar convoque l’existence, dans sa signification la plus primaire jusqu’à la plus abstraite en des cycles, des passages, jusqu’à la mort. L’idée de « mouvement continuel » est permanent dans ses textes, de même qu’il note combien le plus beau des voyages reste le voyage d’ordre spirituel puisque « Dieu inspire ainsi à chaque ciel son ordre », la représentation des choses imaginées et impossibles dans l’imaginaire, le devient dans la bouche du saint comme sous le pinceau du peintre.
Dans la peinture marocaine, il y a eu déjà divers courants que certaines personnalités ont incarné : Cherkaoui et Gharbaoui ont approfondi l’idée du signe dans la peinture, Belkahia a posé la question du corps et du sexe, Kacimi ou Belamine, ont interrogé les fondements picturaux du support en même temps que le statut de l’artiste dans sa relation au legs historique de l’artisanat. On peut dire que MOURABITI lui, pose, au-delà de la transcendance, la question de l’immanence.
Salima Naji
Docteur en anthropologie de l’EHESS et architecte DPLG
Rooted in a territory he masters, Mourabiti always tells us about long ago. His painting takes us far away, with small strokes. Reminiscences. A few notes seem to be thrown on the paper, a melodic sound in the background, evocation. Pieces of paper are revealed, under a white glaze, arrows, circles, small pieces of city maps are sometimes pasted and revisited on the canvas.
These are not real cards, the way Aleschinsky would challenge a new space, but rather flyers, newspaper or magazines clippings, from which squares and boulevards have been spotted, and then attached to color zones. Lines cross out or connect these charted areas. Maps overlapping, hastily pasted on the canvas, telling us of journeys, going and coming back, quick exchanges, like brushstrokes, thrown suddenly on a canvas. Maps, small pieces of the nearby world pass by Marrakech, Paris, London, Dubai and Sao Paulo in shreds set like fragments of memory, like objects, a few cut papers that carried on telling what was, in a transient way. Locked on small sized square supports. Like breaks. Stops at specific sites, but always related to each other. Carnets parisiens. The set suggested a fresh start, dominated by doubt. Yet, a new path was looming. From one drawing to another, fleeting indications let us seize these blazes of thought, in new spaces. Through drawings, the artist prepares us to dive into an ocean of a much larger and complex canvas, where he will continue his peregrinations in a highly picturial thought.
Mohamed’s exhibits are always like some kind of unwinding of a piece of meditation on a canvas suddenly reversed; they seem to go from floor to wall, from wall to the sky. They vary in size, spread across space, in resonance with each other. Very thorough, the drawings answer the aerial paintings and disclose other elements that are not directly prehensile. But they form a hard to divide whole. In his series “On the tracks of Ibn Arabi”, Mourabiti’s genius is evident. Substantial links between the places represented in earlier paintings disappear now and then to sublimate skies. A dark figure, parallelepipedic, drifts, inaccessible, yet central, insistent. It seems to embody the tomb of the great mystic that Mourabiti once visited in Damascus, that shook him. He found other tombs, deep into his memory, other genealogies, and this, in his own family. He launched another harpoon to the South, to the tomb of the forefathers.
The black mass – here a tomb - is a kind of spiritual thread connecting us through time back to the great saint: Edmond Amran El Maleh wondered if it was not for the painter yet another attempt to “ build an ideal tomb, a virtual one, of which all his painings would be the attempt to start again”. Isn’t that an attempt to reach, to get closer to the most sacred building in Islam: the one to which all converge in daily prayers and for the pilgrimage of a lifetime, one around which are therefore the highest supplications, this spiritual center embodied by the Kaaba, for every Muslim? Shouldn’t we recognize the call to reach, and communicate with the heart of Islam and to intercede directly with the Divine? This temptation sneakily emerged in early paintings, now it is here.
In Mourabiti’s early works, the issue of communication was central: the satellite networks on the roofs were glued to foreign channels, East or West, according to one’s social habitus. There was also reference to the religious just beneath the surface: how would one communicate with the afterlife, today? The tomb was an intermediary embodying the intercession with God; the Kaaba seems to replace the tomb into an invitation to departure. The pilgrimage is this ultimate journey that the believer must undertake. Direct flights put a stop to the peregrination and the individual quest attached to the pilgrimage from place to another, where the pilgrim takes care of himself, where he makes highly spiritual human encounters, where he discovers new places enabling stops towards the enlightenment of God.
Today we are just in streams that bring distances closer in a short time; land roads and sea roads fell within the initiatory journey It was a journey of truth which recalls the journey of our painter. The maqamat-s, these spiritual stations that the artist makes us do from exhibition to exhibition, invite us to a spiritual reading of a universal order. The search for self – not just religious, especially not locked into a cult - is a thirst for transcendence that we find in art. All the travels Mourabiti made, brought him back to the starting point in an inescapable link to the holy Kaaba, shrine of shrines. All his peregrinations allowed him to build his identity through a constant confrontation with places and beings, because he had his own assets, those to constantly rebuild.
In his book “The unveiling of the effects of travel”; Ibn Arabi speaks about the “journey of vision through the divine signs and their symbolic transposition of the hidden signs”. Thistext deals with invisible signs and the power of concentration that the night delivers but also with light, perception and the body. All of these elements are highly present in the work of Mourabiti. The Sheikh al-Akbar is obsessed with the Ascension, “Al Miraj” of the Prophet. Because even if there is a reference to the utmost trip in Islam, “the Night Journey” of the Prophet Muhammad and all that it entails, Ibn Arabi also fathoms the movement of the thought that occupy all those who go from one place to another , be it a country, a city, or a neighbourhood, all those who move from one sphere to another, from a social world to another, from an imaginary to another, from a universe to another: the daily life of this country where the practice of differences is customary, and where the highest abstraction is close to the greatest triviality.
Suddenly a generation, is in the Maghreb, locked within its borders. It can see everything - or rather imagine - through cathodic dish antenna, but it can not move physically to Europe, it remains stuck in its borders. To get to Mecca, the great journey that many made in the past too, passing through countries and cultures with as their only luggage a language learned by the Qur’anic word, sort of initiatory journey, which, because it lasted for years, formed the individual.
As for Europe, there are quottas, or a number of border-gates and necessary papers that lock space. We no longer take a boat to get there. The plane, in one go, packs the pilgrims off in a calibrated and identical pilgrimage. The sacred dissolves in an agreed religious, standardized, rigid, often hypocritical and where true devotion may be suspect. Effusion is controlled, confined to spaces ; practices are assessed and standardized, fixed.The pilgrimage is no longer this movement, this peregrination. It is succession of waiting for a calibrated trip.
Morocco, which is a crossroads whose history expresses the cultural intermingling, influences, exchanges, is, as it were, blocked. It becomes an island to which there is no escape. And recently, that all freedoms are allowed, everything is possible, but within boundaries.
The opening brought by the idea of the possibility to sail from one port to another, from one shore to another, which made the strength of the older generations, is suddenly rejected by the game of security globalization. This country that has always resisted and created its own expressions of everyday life, of the religious, of power too, suddenly stops inventing. Espouses recipes. This time, they do not come from the northern shore of the Mediterranean, but the Mashreq (Middle East). We think, we dress, we talk like our brethren in the East: we forget ourselves. We forget our cultural specificitiesl, we recreate an everyday life and the past ; we hide or tend to disguise all that suddenly disturbs us.
The decades after Independence aped the West to better get out of a condition seen as «backward». The current decade has kept that feeling of backwardness and turns to another model, just as modern in its eyes, but more legitimate and that does not refuse like this current West suddenly withdrawing into itself. In Morocco, as elsewhere, we propose a model supposed to exceed the contemporary critics of the faith, we erase what is no longer in accordance, we approach an orthopraxis (A. Cheddadi) in accordance with the Sunnah ; we identify only with the Muslim community (umma or) we adapt and thereby we can be in line with duration. This model is primarily religious. Acautious religious which disposes of the sacred.
At the turn of the XXIst century, the past and openness and thus swept away, replaced by a form of shame. A black box of shame, a confinement. The painting of Mohamed Mourabiti seems to be telling us all this ; he tells about dematerialization: that of the spirituality of an era with no more meaning. He formalizes thresholds. Between the lower and upper world, of which he shows the allowed or suspended mediations. Between the profane and the sacred, the Moroccans are now looking to separate the two spheres, that always, had been embedded in their society.
On the contrary, in the paintings, grace - that of the Divine - is very present, light, evanescent. The artist tries to seize it, to capture it. He looks for it in a world that suddenly changes its face. Marrakech, in recent years, has been stripped of its beauty. Buildings have replaced gardens, speculators have hounded over the city, everywhere, on the interstices, its limits relentlessly pushed away, it chokes. It implodes. It is dressed in decorums unable to hide the disaster. Mourabiti lived for years between Casablanca and Marrakech, then once installed in the red city, he felt the need to move away from it, to build elsewhere, to resist it. To go away once againt.
The figure is a reconfiguration of the visible world, an articulation of the real figuratively. But the divine can not be seen, one feels It, It is hinted at, It is built, the line can not express It by itself. Indeed, how to figure out this All that is beyond us? The Islamic ban demanded this humility and has drawn a distance between art and pictures. Art has become architecture, from earthenware to plaster, to wood carvings ; the divine word was suggested, even reformulated or embodied in religious verses, placed high enough to force the head to an effort, the gaze to reading , to recall the sacred Text. Remember the white cells of San Marco monastery in Florence: to stop outside the fold of Fra Angelico was to perceive many things beyond the likeness «within and beyond the mimetic visibility.»
Modernity and the possibilities of abstraction helped make the unreachable divine scriptures emerge. Sheikh Al-Akbar summoned existence, in its most primary meaning to the most abstract, in cycles, passages, until death. The idea of «perpetual motion» is permanent in his texts, and he notes how the best travel remains the spiritual journey since «God inspires to each heaven its order,» the representation of things imagined and impossible in the imagination, becomes possible in the mouth of the saint as in the painter’s brush.
In the Moroccan painting, there has been various trends that some personalities have embodied: Cherkaoui and Gharbaoui deepened the idea of the sign in painting, Belkahia questioned the body and sex, Kacimi or Belamine, questioned the pictorial foundation of the support together with the status of the artist in his relation to the historical legacy of craftsmanship. Arguably Mourabiti poses, beyond transcendence, the question of immanence.
Salima Naji
PhD in Anthropology (EHESS) and Architect (DPLG)