Poèsie
2007
Michel Butor
Les déesses d'ancienne Égypte
dénudaient leur sein pour nourrir
les pharaons dans leurs épreuves
car s'ils étaient égaux des dieux
dans leurs tombeaux pendant leur vie
ils étaient toujours des enfants
trébuchant au moindre caillou
sur le chemin de leurs années
Fruits tombant de l'arbre du corps
dans le verger du paradis
répandant leur suc dans nos veines
pour bous aider à retrouver
la vigueur de nos premiers ans
dans les jeux et dans l'adoption
du langage de nos parents
toujours à leur réinventer
Jadis les pèlerins d'Éphèse
dans la pénombre du grand temple
découvraient un mur de mamelles
ruissellement du lait des astres
s'écoulant sur toute la foule
entre les guerres des puissants
les inondations et les pestes
Outre de secours pour sauver
les caravanes empêtrées
dans les tempêtes des déserts
glissant sur les dunes traîtresses
à la recherche d'oasis
où la terre enfin s'entrouvrait
sur les jarres d'une poitrine
permettant la végétations
Souple coffre-fort qui saura
déchiffrer ton code et tes runes
pour nous permettre d'explorer
les trésors de tes galeries
monnaie liquide et nourricière
musée de la première enfance
que nos caresses redécouvrent
dans les flammes de nos baisers
L'encre des souvenirs descend
jusqu'au téton de nos outils
pour gribouiller ce que nos têtes
retiennent d'un vieil âge d'or
pour inscrire sur le papier
les oracles que nous tentons
de traduire avec nos musiques
dans le silence des questions
Ile au milieu de l'océan
devenu sans dessus dessous
refuge après les grandes vagues
plage de sable où se réveille
Ulysse après tous ses malheurs
accueilli par Nausicaa
qui lui donne de l'eau de source
avant de lui montrer son père
Étapes sur notre périple
de ville en ville et d'âge en âge
plongeoirs et pistes sur la neige
ou sur l'ambre l'or ou l'ébène
qui sommes-nous d'où venons-nous
où allons-nous dans l'éclaircie
qu'apporte le dévoilement
du torse de réalité