Texte
Mohamed Mourabiti a quelque chose de fascinant : il n’est pas « un » à la fois, il est la synthèse de tous. Impossible de dissocier ou de démêler les fils qui tissent les peintures et l’existence de celui qui est l’âme d’Al Maqam, cette résidence d’artistes et ce lieu de rencontres culturelles qu’il a fondé en 2004 à Tahanaout, près de Marrakech. Impossible de ne pas saisir que sa jovialité malicieuse et sans tapage s’accommode naturellement de l’imaginaire - parfois énigmatique - de la spiritualité et de la sensualité qui habitent et jaillissent de ses toiles.
La peinture et les recherches picturales de Mourabiti évoluent au gré de ses états d’âme, de ses voyages et de ses rencontres. Mais elles racontent inlassablement la quête d’un homme enraciné très profondément à la terre et à une terre : ce Maroc écartelé entre tradition et modernité et façonné à la fois par une réelle spiritualité et ses identités arabe, juive – un héritage que l’artiste revendique avec force - et amazigh.
Cet univers est la composante essentielle du cheminement personnel et artistique de cet autodidacte. Dans ses toiles, les coupoles des marabouts jouxtent ainsi les paraboles des télévisions. Ses figures géométriques triangulaires, rectangulaires, souvent surmontées de demi-cercles, se superposent, se confrontent dans des tableaux toujours très construits, très « bâtis » où l’inspiration maraboutique reste omni présente. Elle peut se teinter, comme dans ses œuvres récentes, d’inspirations africaines, témoignage de sa passion pour la musique et le chant hassani qui fusionnent poésie lyrique et rythmes ancestraux du Sahara marocain et de certains pays du nord du continent noir, à commencer par la Mauritanie.
Les couleurs minérales, chaudes et fortes - rouge brique, ocre, noirs, marron, gris, blancs lumineux, aveuglants comme peut l’être un trop plein de soleil - produisent, notamment dans ses grands formats, un choc sensoriel. Mais pas seulement car, soudain, un pan bleu surgissant du chaos de la modernité crée une échappée éclatante qui exprime l’espérance d’un renouveau.
Les formes de Mourabiti ramènent en réalité à un monde intérieur fait de symboles essentiels, conscients ou pas, de notre existence. Elles sont aussi l’expression d’un artiste qui conçoit et structure ses peintures et sa vie comme un bâtisseur qui, loin de toute esbroufe, charpente son œuvre. Mais ce bâtisseur est mû aussi par des sentiments parfaitement terriens : amitié, amour, disponibilité immense et généreuse, convivialité partagée qu’il instaure avec ses proches. Une nature qui a sans doute dicté l’irruption du corps dans son travail à travers des seins sculptés à l’infini, symbole de la femme, que celle-ci soit mère, sœur, fille ou amante.
Son lien à la terre aura décidé de sa palette comme de son ancrage dans la nature et la lumière, hors du fracas de Marrakech, dans ce lieu un peu magique qu’est Tahanaout qu’il n’en finit jamais de construire. Comme si le réel de ses hôtes se devait d’être à la hauteur de son imaginaire et de l’énergie qui lui permet de maintenir ensemble toute sa communauté de cœur. Et de tracer, d’exposition en exposition, le sillon d’une œuvre empreinte de spiritualité, physique et forte.
José Garçon
Mohamed Mourabiti is a captivating trend: he is not „one“at a time, but the synthesis of all. It is impossible to split or disentangle the sons who merge paints and the existence of one who is in fact the soul of Al Maqam. This arts residence and a cultural meeting venue were founded in 2004 in Tahanaout near Marrakech.
It is impossible not to venture into his mischievous cheerfulness and without fuss naturally accommodating the imagination - sometimes enigmatic -, spirituality and sensuality and living springing from his canvases.
Mourabiti’s art work and pictorial research evolve with his moods, his movements and encounters. They however, tell vigorous tales of a man deeply rooted in the earth and to the earth: Such Morocco is torn between tradition and modernity, shaped both by real spirituality and its Arab identity; Jewish - a legacy that the artist claims forcefully - is Amazigh.
This universe is the essential component of personal and artistic journey of this self-taught artist. Throughout his paintings, there are domes and adjacent satellite dishes. Geometric figures triangular, rectangular, often topped with half circles overlap, confront in highly structured tables always very much „constructed“ where the marabout inspiration remains all-pervading. The dome can be tinted, as in his recent works from African inspiration, a testimony to his passion for music and Hassani chants merging lyrical poetry and ancient rhythms of the Moroccan Sahara and some countries of the black northern continent, starting with Mauritania.
Mineral colors , warm and strong – whether brick red or ochre, black, brown, gray, or even bright, blinding white as it can be overfilled with sunshine - in particular within its large size, a sensory shock. It is not all of that; it is suddenly a blue surface arising from the chaos of modernity creating a brilliant breakaway expressing the hope of a revival.
Mourabiti’s outline brings us actually to an inner world of essential symbols, whether cognizant or not, of our existence. They are also an expression of an artist who designs and structures his paintings and his life as a drafts man who, far from showing off, endeavours on framing his work. This artistic entrepreneur is also motivated by perfect earthly feelings: friendship, love, huge and generous availability, usability he establishes and shares with his peers. A nature which probably dictated the eruption of the body in his work through breast carved as a symbol of the woman that could be a mother, sister, daughter or lover.
His connection to the earth will be decided on his palette as its anchorage in nature and light, away of the clamour of Marrakech, in this little magic place that is Tahanaout that Mourabiti has never finished edifying. As if the actual guests had to be at the level of his imagination and energy that allows him to hold together the entire community of the heart. After all, this is meant to outline, from one exhibit to another, the undulation of an artefact imbued with strong substantial spirituality
José Garçon